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Aïkido Lyon
2 octobre 2015

Pourquoi pratiquer l'aïkido : bienfaits et dangers 3/3

3ème partie

Mais alors si on est certain de savoir qu’on est sur le chemin, comment savoir si c’est le bon ; qu’on ne fait pas fausse route ou sur une voie sans issue ?

 La question est excellente et après avoir rappelé la loi de l’évolution naturelle,  je répondrais en 3 points à mon avis incontournable du bon chemin.

 Ce n’est pas une nouveauté de dire que la pratique évolue naturellement et logiquement avec l’âge. Jeune, on recherche entre autre la force et la vitesse afin de défouler cette énergie débordante. C’est la filière du + (= plus fort, + vite , + haut  …).

Plus méconnue est la filière du moins, qui consiste non à ajouter ou augmenter mais au contraire à enlever. Enlever toute force, travailler le relâchement, être léger, ne pas vouloir, ne pas montrer, la lenteur, le ½ pas … sont toutes des qualités entre guillemet plus féminines qui s’opposent à ce l’on a appris de yang pendant des années : être dense et lourd, l’enracinement, le kokyu, la martialité, les grands déplacements…

Certes, en aïkido on parle de principe d’économie et de pureté du geste…mais concernant  plutôt les gradés. Alors est-ce un hasard du à l’âge (sagesse et/ou limite) ou à un niveau d’expertise technique élevé si cette filière est plutôt explorée par les hauts gradés ?

 => 1er point : abandonner la dureté au profit du relâchement-détente.

 Je pense que sans renier le physique en tant que support, il faut basculer le plus rapidement possible dans l’interne car c’est la voie la plus aboutie, voie royale de la filière du moins et surtout la seule qui ne peut décroitre inexorablement avec l’âge. Elle seule permet d’obtenir ce que Philippe G. appelle « le corps Global ».

Souvent les gens « durs » travaillent plus avec les bras et les épaules ce qui correspond à la musculature moderne qui privilégie le haut du corps avec le dos en V (à l’inverse des paysans d’autrefois plus fort de la taille et bas du dos). On retrouve cet exemple musculaire dans la boxe anglaise ancienne ou les boxeurs ont perdus en puissance ce qu’ils ont gagné en carapace. N’oublions pas que les fessiers-obliques seront toujours plus puissant que les deltoïdes et muscles de la coiffe des rotateurs. De plus, la qualité de l’épaule à toujours été son amplitude articulaire et sa fragilité le prix à payer de cette même qualité.

Un petit mot sur la détente. Dieu que c'est dur de se détendre ! Ceux qui n'ont pas expérimenter le travail de la posture ne peuvent s'en rendre compte à quel point il y a à travailler. C'est bien simple : il n'y a pas de limite... De plus notre monde moderne de fou, hyper speed, le travail sur écran et les agressions multiples et incessantes ne nous facilitent pas la tache.  Mais attention, détendu ne veut pas dire "mou".

Comment peut-on alors affirmer qu’une pratique dure est une mauvaise chose ?

-         Ce qui est dur est cassant ! éternelle fable du chêne et du roseau, du verre et du caoutchouc…   L’exemple de l’élastique est assez parlant : de souple, en vieillissant, plus il devient dur plus il devient cassant.

Si votre pratique vous casse et abîme votre corps = elle est mauvaise ! Sans pointer les footballeurs, combien de sportif sont trop souvent blessé. Quel bel exemple montre Federer à 34 ans qui n’est ni le plus costaud ni le plus grand. Enfin, si vous avez déjà touché un chat, est il un modèle de dureté ?

-         ''Dur''  rime avec sec, saccadé et morcelé  alors que le relâchement permet autant une sensibilité que la globalité et la fluidité.

-         A votre avis de quel coté penchent l’Harmonie et la finesse du contact ? Faut il cultiver le coté bûcheron bourrin ou le contraire ...

 Mais, si on regarde attentivement, le mot même de « relâchement » dans notre monde moderne a une forte connotation négative de faiblesse contrairement à l’idée de dureté (ex en foot « être dur sur l’homme » , « être agressif » …)

 

=> 2ème point : prendre du plaisir

 C’est véritablement le moteur de la pratique, élément de base d’un cercle vertueux. Plus on a de plaisir à s’entrainer plus on pratique, donc plus on progresse ; avec les progrès on a plus de sensations et de maitrise aussi, ce qui est agréable. Etc…

               Plaisir => + de pratique => + de progrès => + plaisir …

 Plaisir : des chutes, de contrôler son partenaire, des sensations, de la réussite aux grades, de l'effort et la transpiration, de la reconnaissance méritée ...

 La phrase est connue mais « travailler sérieusement sans se prendre au sérieux » implique autant une rigueur d’étude gage de qualité qu’un comportement empathique tempérant des excès éventuels. La juste mesure entre technique et convivialité est affaire d’expérience et n’est pas facile à doser : ne pas tomber dans le coté « petit samouraï » au visage fermé sans pour autant verser dans le chahut ou pour le moins un coté cour de récréation. En définitive, c’est toujours et encore une affaire d’équilibre : ici entre l’humain (cf esprit et l’immatériel) et la technique au sens expertise (cf le corps et le matériel).

Du travail toujours et encore, beaucoup d’amitié et de respect, quelques traits d’humour ponctuels, une dose d’étiquette, un peu d’autodérision pour dégonfler les ego... bref, de la sueur et des sourires semblent être une bonne recette.

 La convivialité et les liens tissés en dehors du cours sont aussi très importants, les gens cherchant peut-être encore plus une chaleur sociale qu’une technique d’expert… Les arrosages, pots, troisième  ½ temps, repas et sorties sont ainsi incontournables. D’ailleurs sans parler des solides amitiés on a tous connus des couples, souvent durables, qui se sont formés sur les tatamis !

J’ose même aller plus loin en lançant la réflexion que cette fameuse Harmonie tant recherchée pourrait être indissociable d’une certaine atmosphère de paix et d’énergie dans le dojo. Les japonais parlent du kimochi pour évoquer l’esprit d’un lieu (son âme) ; et si certes l’architecture joue, l’ambiance impulsée par le professeur l’est encore plus. D’ailleurs, ne dit on pas que "l’on enseigne ce que l’on est" !

 

=> 3ème point : développement et élévation

 Cet épanouissement est un peu l'aboutissement recherché ; le "tu seras un homme mon fils" !

 A travers la notion de Shin (=le mental) Gi (=la technique) et Taï (=le corps) l'entraînementcomplet devrait obligatoirement concerner ces 3 aspects. Il faut bien une intention pour mettre en oeuvre une action et un corps pour matérialiser une technique.

Autant l'entraînement physique modèle et transforme notre corps, autant une pratique bien conduite devrait, parallèlement à la progression technique, améliorer l'Homme sur un plan comportemental et humain. L'entraînement corps-esprit doit obligatoirement déboucher sur des résultats tangibles et un des leviers les plus puissant, mais souvent négligé, est l'application à la vie courante.

J'aime beaucoup une phrase de Joël : "la pratique doit vous nourrir" au sens de : vous rassasier-satisfaire en fournissant de la matière à travailler et de vous faire grandir.

Vous trouverez ci dessous une liste traditionnelle des qualités recherchées :

1.        Gi : justes décision et attitude, la vérité. Rectitude.

2.        Yu   la bravoure.

3.        Jin : l'amour universel, la bienveillance et la compassion.

4.        Rei : l'action juste (une qualité essentielle), la courtoisie.

5.        Makoto : la sincérité, la spontanéité.

6.        Melyo : l'honneur.

7        Chugo l loyauté.

C'est pour cette raison que traditionnellement les techniques "supérieures et dangereuses" ne peuvent être enseignées à des débutants qui n'auraient pas fait la preuve de leur responsabilité. On parle bien sur d'un idéal où la technique d'expert est en adéquation avec une humanité développée ; la nature humaine étant ce qu’elle est …ce n'est malheureusement pas une vérité absolue. La technique n’est ainsi pas forcément l’essentiel, sinon on forme des techniciens. En guerre le moral des troupes a toujours été aussi important que la portée de leur fusil.

Dans l'engagement et la sincérité des attaques, on retrouve le souci de faire progresser l'autre et de le tirer vers le haut. Le but n'est pas de faire plaisir ou faciliter mais au contraire d'augmenter les contraintes au fur et à mesure des progrès. Par contre dans l'acceptation des chutes et le refus de bloquer on ne sabote pas l'action du partenaire et lui laisse la possibilité de s'exprimer.

 Par l'alternance des rôles d'uke et tori, on ne s'enferme pas dans une croyance d'être celui le plus fort qui écrase en projetant. En aïkido il n'y a ni vainqueur ni vaincu car on change de camps tous les 4 ou 6 mouvements! Le but est plutôt d'établir une relation gagnant-gagnant où les 2 partenaires cherchent à se faire progresser mutuellement par des expériences réussies de défis chaque fois relevés. L'important est de faire coexister des paradoxes : une certaine martialité et le respect de l'intégrité, l'attaque et l'Harmonie. Les 2 principaux écueils sont les extrêmes : dans un sens une complaisance illusoire et dans l’autre des blocages empêchant l'échange dans la connexion.

 Un mot sur l'Harmonie, trésor de l'Aïkido qui je le rappelle est une des rares disciplines sans compétition. Il ne s'agit pas de s'affronter en s'opposant comme dans beaucoup de sports où il en ressort de la violence-agressivité et forcement 1 ou 2 perdants.

Il ne s'agit pas non plus de fuir le conflit en l'évitant, mais il s'agit d'une rencontre (de aï) où le conflit (= l'attaque) est vécue par la technique de manière harmonieuse de telle façon que les principes aïki puissent s'exprimer. Ainsi on ne casse pas son partenaire qui peut, soit être contrôlé et apaisé par une immobilisation, soit être projeté par une chute dont il se relève. Le projet est terriblement ambitieux et le cahier des charges (comme le dit Luc M.) monumental !

 On a en définitive un entraînement martial pour chercher la paix ! Le terme budo ne veut il pas dire "arrêter les lances" ? L'affaire est ancienne, déjà les romains nous disaient ils pas : "civis pacem para bellum" (si tu veux la paix prépare la guerre).

 

 

Pour finir et revenir en début d'article, et si je pouvais recommencer une nouvelle vie, est ce que je choisirai le même parcours ? Voilà une question qu'elle est bonne dirait Coluche !    

Se  poser la question est déjà le signe d'une réflexion et va dans le bon sens. On dit qu'on apprend plus de ses erreurs ou échecs, ça tombe bien l'erreur est humaine (encore les romains : errare humanum est)!

Finalement, l'important ne serait il pas de se relever et d'avancer plus que de tomber...

 

                                                                                                            Olivier BESSON

 

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